Manifeste

Introduction

Depuis les années 90, la gauche extra-parlementaire radicale genevoise s’est organisée en groupes affinitaires ; ce mode d’organisation fut en grande partie motivé par un rejet des pratiques mortifères des organisations de gauche à tendance communiste ayant précédé ces années. Le dogmatisme dépassé, la tendance à une centralisation excessive et inutile ainsi qu’une déconnexion totale des problématiques locales dégoutèrent les militantes et les militants. Depuis lors les grandes mobilisations de notre camp social furent des réactions aux attaques de la bourgeoisie et du fascisme. C’est le cas de mobilisations telles que Prenons la ville, les manifestations contre Artam Brotherhood, No Bunker, la mobilisation contre les centres de renvoi ou encore la défense des squats. Ainsi, les forces militantes se sont consacrées à la défense d’acquis menacés, plutôt qu’à la lutte sur le terrain de l’ennemi : la bourgeoisie. Les limites de ce type d’organisation nous ont tous apparu à différents moments de notre parcours de militant au sein de ces organisations. Nous avons forgé nos premières armes au cœur de ces mobilisations et elles nous ont permis de beaucoup apprendre, mais nous considérons aussi que certaines limites ont été atteintes. En effet, en dépit de succès ponctuels, ce mode d’organisation et de mobilisation n’a donc pas permis la constitution d’un mouvement révolutionnaire fort et pérenne, ayant des objectifs de construction et d’offensive, et non simplement de défense.

Suite aux expériences au sein des organisations extraparlementaires genevoises, une nouvelle dynamique a vu le jour. Dans cet élan, le Secours Rouge Genève (SRGE) se constitue en 2016, dépendant du Secours Rouge International. Se rattacher à une structure-mère bénéficiant de vingt années d’expérience traduit un besoin de s’extraire des micro-dynamiques genevoises. La création du SRGE opère donc une ouverture non seulement spatiale, en travaillant avec des organisations et sur des thématiques internationales, mais aussi temporelle – le SRI ayant déjà démontré sa pérennité.

Après 5 ans de travail du SRGE, une nouvelle nébuleuse militante s’est formée. Désireuse d’un mode d’organisation fondé sur une ligne politique commune, plutôt que sur un lien affectif, elle souhaite également affirmer une identité politique forte. Néanmoins, nous connaissons les limites du travail politique du SRGE. Nous pensons donc qu’il est temps de travailler à l’élaboration d’une organisation révolutionnaire à Genève.

Le manifeste que nous rédigeons ici se veut donc être une base politique et organisationnelle dans cette perspective. Il a pour but :

De garantir une unité politique entre ses membres. Il est nécessaire de s’organiser autour d’une ligne et de positions politiques communes. Cela assurera une certaine stabilité à la future structure, et permettra le développement d’un travail politique et de réflexions approfondies. L’adhésion à ce manifeste constitue en outre un engagement envers ses autres membres. Elle est une condition sine qua non pour l’adhésion à la structure. Cette unité sera la force de cette organisation.

– D’assumer une ligne politique nouvelle, en rupture avec le paysage actuel de la gauche radicale genevoise. Ce manifeste souhaite être une nouvelle proposition politique, affranchie de certains principes et modes de fonctionnements qui ont été érigés en règles absolues, malgré leur caractère infructueux voire nocif.

– Offrir une base idéologique et organisationnelle aux personnes souhaitant travailler avec nous. Ce manifeste permet de présenter notre ligne à toute personne ou groupe interessé par le travail de notre organisation.

1. Communisme et révolution

En tant qu’organisation communiste nous visons à créer une société sans classe ni État, libre de toute domination et qui fonctionnera en harmonie avec notre environnement naturel. Nous pensons que la révolution est bien réelle et vivante. Il nous appartient dès lors de participer à ce processus et de construire localement des perspectives pour un mouvement révolutionnaire global qui mettra à terre l’État bourgeois et le capitalisme.

La révolution n’est pas l’histoire d’un Grand Soir. C’est un processus historique auquel nous appartenons. Il trouve ses origines dans l’expérience de la Commune de Paris et son esprit s’est propagé à travers la révolution d’Octobre 1917, la guerre d’Espagne, la révolution Chinoise, les mouvements de libération nationale communistes et socialistes jusqu’aux expériences de lutte armée en Europe dans les années 70 et 80. Ce processus se poursuit notamment au Kurdistan, en Turquie, aux Philippines, ainsi qu’en Europe. En tant que militant.e.s révolutionnaires, nous devons analyser et tirer les leçons qui ressortent de ces expériences passées et présentes. Les succès, mais aussi les défaites des révolutionnaires sont des sources de réflexions que nous ne devons pas oublier.

Seul un renversement et une prise du pouvoir par les masses laborieuses permettront
d’abattre l’État bourgeois et capitaliste. Cela passera par une prise de conscience de la classe prolétaire de sa propre condition. Elle se trouve au centre de la contradiction principale, des tensions et des injustices du monde dans lequel nous vivons. En Europe, le prolétariat d’aujourd’hui, salarié ou chômeur, n’est plus le même que celui d’il y a 50 ou 100 ans, et pourtant l’opposition des intérêts de la bourgeoisie avec ceux des travailleurs et des travailleuses ne cesse de s’accentuer. La lutte entre les dominé.e.s et les dominant.e.s, entre les pauvres et les riches, en d’autres termes: la guerre des classes, est le moteur de l’Histoire.

« Par bourgeoisie, on entend la classe des capitalistes modernes, qui possèdent les moyens de la production sociale et emploient du travail salarié ; par prolétariat, la classe des travailleurs salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre. » Friedrich Engels

2. Centralité de la lutte des classes

Notre organisation est communiste et reconnaît donc le rôle central de la lutte des classes,
tant dans le déroulement de l’Histoire que dans notre lutte aujourd’hui. Par lutte des classes, nous entendons le conflit, ouvert ou larvé, entre différentes classes sociales ayant des intérêts opposés. Hier, elle s’incarnait dans la lutte des ouvrières et des ouvriers des premières usines contre les patrons les exploitant. Aujourd’hui, elle est le moteur des révoltes qui éclatent à travers le monde : grève des livreurs et livreuses face à UberEats, soulèvements des gilets jaunes contre l’élite macroniste, mobilisations des paysannes et paysans indien.ne.s face au gouvernement Modi, résistance ouvrière face à la mondialisation et ses délocalisations d’usines, etc. Les cas sont nombreux, mais se résument tous à l’opposition suivante : le combat des pauvres ne possédant rien mais produisant tout, face aux riches ne produisant rien mais possédant tout.

La lutte des classes occupe la place centrale dans nos analyses. Cela ne signifie pas qu’elle
oblitère toutes les autres formes de lutte. Au contraire, elle crée des ponts entre ces dernières : la classe sociale est le dénominateur commun. Par le passé une grande partie du mouvement communiste a fait l’erreur de mettre ces luttes de côté plutôt que de s’y inscrire en tant qu’acteur. Ne pas s’impliquer dans ces luttes a eu pour effet d’en favoriser les dérives libérales. Les luttes anti-raciste et anti-patriarcale sont des luttes à part entière, que nous mènerons jusqu’au bout. Nous affirmons toutefois que ces luttes n’ont un sens révolutionnaire que lorsqu’elles s’appuient sur la réalité économique qui sous-tend tout rapport de domination.

En replaçant au centre de notre agenda politique la lutte des classes nous souhaitons donc
nous distinguer des initiatives libérales et réformistes présentes dans ces luttes. Nous nous
inscrivons en faux contre la récupération bourgeoise de nos combats et toutes les autres
tentatives de divisions supplémentaires des classes opprimées. Ces dérives libérales transforment les luttes d’émancipation collective en culture de l’identité individuelle. C’est donc seulement en étant active et en intégrant ces luttes que notre organisation pourra mettre en avant une ligne de classe.

C’est en analysant les luttes des opprimé.e.s à travers le prisme de la classe que nous pourrons viser à la libération de toute l’humanité. Les historiennes et historiens bourgeois affirment que ce combat appartient au passé. Nous répondons qu’il n’a jamais été aussi actuel. À nous de le ramener sur le devant de la scène politique, avec comme objectif final la victoire des travailleuses et des travailleurs sur la bourgeoisie.

3. La révolution est réelle et possible

D’une part, le terme révolution a donné naissance à de nombreux fantasmes, tant dans la
culture populaire que dans le milieu militant. L’idée du Grand Soir, lors duquel le peuple se soulèverait spontanément pour faire face à ses oppresseurs, après avoir subi trop d’injustices, appartient à l’imaginaire collectif. Dans ce scénario, la prise des lieux de pouvoir marquerait l’achèvement de ce processus. D’autre part, beaucoup ont abandonné l’idée de révolution et repoussent toutes initiatives radicales prétextant un manque de force ou un moment historique inadéquat. Bien souvent, notre milieu s’est limité à la création d’espaces alternatifs au sein du capitalisme, dans lesquels il s’est replié. De ce fait, les micro-changements qui en découlent ne sont qu’une autre forme de réformisme.

Nous rejetons ces visions de la révolution. Le renversement de l’État bourgeois ne marque pas la fin de la révolution ; il n’en est qu’une étape. Le processus révolutionnaire est en évolution constante et se poursuivra après la prise du pouvoir politique. De surcroît, il se construit dès aujourd’hui. Les luttes menées par les classes populaires, la création d’organisations militantes, ainsi que l’analyse de notre époque sont autant d’activités qui rendent la révolution bien plus concrète qu’un utopique Grand Soir. La révolution commence ici et maintenant. C’est par l’éducation, l’organisation, l’agitation et la solidarité effective que nous entendons y contribuer.

Les forces réactionnaires et bourgeoises tentent de faire croire que la révolution n’a aucune chance d’advenir. Le fantasme du Grand Soir sert cette propagande. Nous affirmons au contraire que la révolution reste possible. A nous de travailler à son avènement.

L’exemple de la révolution kurde au Rojava va dans ce sens. Après avoir lutté contre les forces réactionnaires de Daesh, les Kurdes doivent désormais faire face aux attaques répétées de la Turquie fasciste. Malgré ces agressions, la révolution kurde tient bon. Pourquoi ? Notamment parce que sa population fait bloc. Elle s’est impliquée dans le processus révolutionnaire bien avant l’éclatement de la guerre civile syrienne. Grâce à la structuration d’un parti fort tel que le PKK, les Kurdes de Syrie ont pu expérimenter de nouvelles formes de démocratie, créent des conseils populaires, et construisent ainsi la révolution au quotidien.

4. Phase intermédiaire

La société comme nous la connaissons aujourd’hui ne changera pas du jour au lendemain,
même si un grand bouleversement devait arriver. La révolution passe toujours par des étapes. Une prise de pouvoir par un groupe, une organisation ou un parti révolutionnaire ne signifie pas l’aboutissement de la révolution. Cette prise de pouvoir est inévitable et nécessaire, mais, elle peut très vite se changer en autorité bureaucrate, réformiste ou encore réactionnaire comme l’a déjà montré l’Histoire.

La construction d’un contre-pouvoir révolutionnaire, suivi du renversement du pouvoir
réactionnaire, n’est donc pas une finalité en soi. Une fois le pouvoir démocratique
révolutionnaire installé, s’ensuit une longue phase de transformation vers une société
communiste. Celle-ci ne se limite pas à la seule collectivisation des moyens de production,
mais elle doit aussi repenser la société et l’humain dans leur totalité. Or, ce travail doit
commencer avant même la prise de pouvoir. Anéantir la pensée libérale, le patriarcat, le
racisme et l’individualisme sera un travail de longue haleine. C’est grâce à l’éducation
populaire et à une pratique révolutionnaire, que les masses prendront conscience qu’une
autre vie est possible, et que nous arriverons à une transformation profonde de la
société. Cette phase de transition fait aussi partie de la révolution.

Parce que nous sommes dans une phase historique de construction, nous pensons qu’il n’est pas encore temps de décider des étapes aujourd’hui trop éloignées de notre réalité
objective. Ce problème devra être abordé avec les conditions historiques adéquates.

5. Avant-garde

La notion d’avant-garde a toujours fait débat dans le mouvement révolutionnaire. Elle a
souvent été critiquée, car elle déboucherait sur un élitisme ou sur une dérive bureaucratique. Beaucoup des critiques émises contre l’avant garde sont fondées sur des exemples historiques de déviances. Il en a résulté, notamment dans le milieu genevois, un rejet total de cette idée. Selon nous, c’est une erreur non seulement d’analyse, mais aussi de stratégie. Nous avons pu voir que les groupes politiques dans lesquels nous avons travaillé n’assumaient, ni ne réalisaient leur rôle d’avant-garde. Cela a notamment empêché la reconnaissance du décalage entre le groupe et la société.

Nous assumons la notion d’avant-garde politisée et révolutionnaire. Il existe une différence objective entre un.e militant.e révolutionnaire conscient.e et une personne qui n’a pas de connaissance politique ou/et qui n’a pas conscience de sa position dans la société de classe. Nier ce fait est une erreur qui empêche l’organisation, la formation et la construction d’un mouvement révolutionnaire. L’avant-garde est vue par beaucoup comme une élite qui se placerait au-dessus des masses. Nous considérons que l’avant-garde n’est pas au-dessus, mais au-devant. Elle est comme la pointe d’un brise-glace poussé par la société qui en est son moteur. Ses racines sont organiquement liées à la société dont elle porte ses luttes toujours plus loin vers la révolution. En ce sens, l’avant-garde révolutionnaire a des tâches et des responsabilités. Elles ne peuvent être discutées et réalisées que lorsque nous acceptons notre rôle de militant.e.s révolutionnaires dans un mouvement historique.

Les tâches et responsabilités de l’avant-garde sont multiples et peuvent évoluer dans les
différentes phases historiques, mais elles ne doivent jamais faire de l’avant-garde une élite.
Pour cela, la formation, la critique et l’auto-critique, ainsi que la discipline sont des outils
indispensables. Il est également important de garder une vision d’ensemble des situations
objectives et subjectives pour se préserver de tendances aventuristes.

En tant qu’avant-garde, notre rôle est de décider des stratégies révolutionnaires. Celles-ci
doivent donc être réfléchies et débattues au sein de l’organisation pour être à la pointe des
contradictions. La formation politique continue de chaque membre de l’organisation est donc indispensable. Nous devons dans nos stratégies, nos discours et nos actions tenir une ligne révolutionnaire qui peut être entendue largement, afin de pousser la conscience de classe dans la société, sans nous en extraire. Cela implique aussi que nous devons être conscient.e.s de notre rôle de militant.e.s révolutionnaires et que nous devons partager nos analyses et connaissances au sein de nos milieux et en dehors. Nous devons faire preuve d’humilité et d’exemplarité dans notre travail : c’est sur celui-ci que nous serons jugés. Ainsi, un travail révolutionnaire de qualité convainc sympathisant.e.s et observateurs.trices à rejoindre notre organisation.

Nous soulignons que nous avons conscience de notre rôle d’avant-garde politique, mais cela ne signifie pas que notre organisation réalisera la révolution ou sera un parti de masse. Trop de groupuscules s’imaginent être le nouveau parti révolutionnaire que les masses rejoindront. Les conditions actuelles étant ce qu’elles sont, proclamer être le parti qui fera la révolution est une erreur qui mène à un élitisme coupé de toute réalité. Notre organisation devra former des militant.e.s, se trouver à le pointe des contradictions dans la société et montrer que la lutte révolutionnaire est possible.

« L’organisation révolutionnaire ne devient pas avant-garde en se proclamant simplement comme telle. Mais il lui faut passer à l’action, acquérir une pratique révolutionnaire convaincante : seule l’action fait l’avant-garde. » Carlos Marighella

Luttes et stratégie

Pratique-théorie-pratique

Notre organisation devra fonder sa stratégie sur la dialectique matérialiste entre la pratique et la théorie. Nous entendons par ceci qu’aucune stratégie, sur le moyen ou long terme, ne saura être développée sans qu’une vérification empirique de son efficacité soit faite. De la même façon, aucune action de terrain ne pourra être planifiée sans qu’elle ne corresponde à la stratégie mise en place par l’organisation. L’étude de ces deux composantes, pratique et théorique, permettra à notre organisation de garder une ligne cohérente et compréhensible, tant pour les militant.e.s que pour les masses. Une organisation basant son fonctionnement uniquement sur la pratique finira fatalement par s’éparpiller et perdre des forces en voulant faire tout, tout de suite. Nous nous opposons à cette approche. Nous pensons au contraire que l’organisation ne doit agir que de façon calculée, afin que son message soit compréhensible et cohérent.

Pareillement, une organisation s’étant distancée de manière trop prononcée de la pratique,
et s’étant perdue dans la théorie, se coupe des masses et n’est plus accessible qu’à un nombre extrêmement restreint de personnes. Nous pensons donc qu’il est nécessaire d’allier pratique et théorie afin de parler au plus grand nombre.

De plus, c’est par la pratique que nous pouvons juger si notre stratégie politique est juste. Si elle ne l’est pas, nous pouvons agir en conséquence et la modifier pour à nouveau
l’appliquer. La boucle pratique-théorie-pratique est le seul moyen de ne pas s’enliser dans un dogmatisme ou un aventurisme néfaste.

« Du point de vue marxiste, la théorie est importante, et son importance s’exprime pleinement dans cette parole de Lénine : ” Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. » Mais le marxisme accorde une grande importance à la théorie justement et uniquement parce qu’elle peut être un guide pour l’action. Si, étant arrivé à une théorie juste, on se contente d’en faire un sujet de conversation pour la laisser ensuite de côté, sans la mettre en pratique, cette théorie, si belle qu’elle puisse être, reste sans intérêt. La connaissance commence avec la pratique ; quand on a acquis par la pratique des connaissances théoriques, on doit encore retourner à la pratique. » Mao Zedong

Alliances

Il est clair que des alliances et débats avec d’autres groupes politiques actifs dans notre région sont nécessaires. Ces alliances doivent se faire sur des bases politiques et stratégiques, non pas sur une unité de principe vague ou sur des bases uniquement affinitaires. Elles doivent avoir comme but principal de renforcer le camp révolutionnaire. Les débats doivent quant à eux permettre aux différentes organisations d’échanger des points de vue de manière ouverte et sans langue de bois. Ils n’ont pas pour but l’établissement d’une hégémonie politique, mais au contraire permettent une connaissance des positions de chacun.e. Ils dynamiseront le camp révolutionnaire et permettront aussi de réévaluer certains de nos choix.

Nous refusons par ailleurs toute collaboration avec les institutions bourgeoises. Nous ne
participons ni aux élections ni aux autres formes de réformisme (votations, pétitions,
référendum, …).

« Aucune réforme, aucune mesure, proposée par les gouvernements démocratiques ou socialistes des pays bourgeois ne seront capables de sauver la situation et d’alléger les souffrances insurmontables des ouvriers, car ces souffrances sont un effet naturel de la ruine du système économique capitaliste et persisteront tant que le pouvoir sera entre les mains de la bourgeoisie. » Alexandra Kollontai

Violence révolutionnaire

La violence révolutionnaire fait partie inhérente de la lutte pour le communisme. Il est
impensable d’imaginer renverser le système capitaliste sans recourir à la violence. La classe dominante, elle, n’hésite pas à utiliser les moyens les plus ignobles pour défendre et étendre ses intérêts. Elle est inévitable face à la violence de l’état bourgeois. La violence
révolutionnaire peut prendre différentes formes suivant les situations historiques. De la forme la plus basique d’action directe jusqu’à la lutte armée, cette violence doit toujours être pensée politiquement et stratégiquement. Elle doit être non seulement défensive, mais aussi offensive. La violence révolutionnaire n’est pas simplement l’expression d’une rage individuelle, ni un but en soi, mais un outil politique.

« Il importe d’opposer la violence révolutionnaire à la violence contre-révolutionnaire pour la conquête et la sauvegarde du pouvoir. Il faut tenir compte de la situation concrète pour adopter des formes de luttes revolutionnaires adéquates, employer de façon judicieuse et combiner avec habileté la lutte armée et la lutte politique pour assurer le succès de la révolution. » Ho-Chi-Minh

Écologie

L’écologie, et plus largement la protection de notre écosystème, est certainement l’une des
questions principales de ce siècle. Nous savons aujourd’hui que le capitalisme est responsable de la crise climatique et l’a mené à un point de non-retour. La surconsommation pronée par ce modèle économique détruit la biosphère nécessaire à notre vie. Les ressources de base sont exploitées d’une manière frénétique et démesurée. La globalisation de la production n’amène pas seulement une pollution grandissante, mais rend les différentes régions de la planète totalement dépendantes du marché mondial. L’autonomie alimentaire est toujours plus faible et les exodes climatiques seront de plus en plus fréquents. Des réponses aux conséquences de cette crise doivent être trouvées à moyen et long terme. Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’essayer d’empêcher ce changement : nous savons qu’il est déjà en partie trop tard.

L’écologie est une question de lutte des classes. Certes, une prise de conscience et une remise en question de nos habitudes individuelles sont importantes, mais ce n’est pas grâce à ces initiatives que nous sortirons de cette crise. Nous savons que ce sont celles et ceux qui possèdent le plus qui polluent le plus. Avec leurs jets privés, leurs mines, leurs usines ou leurs bateaux cargos, les capitalistes sont les principaux destructrices et destructeurs de la planète. L’anti-impérialisme doit lui aussi être intégré dans les luttes écologistes, car la globalisation va de pair avec l’exploitation des pays des Suds par l’Occident.

Nous refusons la dynamique individualiste et culpabilisatrice présente dans beaucoup de
mouvements écologistes. Le capitalisme ne pourra jamais être synonyme d’écologie, son
principe même reposant sur une croissance infinie sur une planète aux ressources finies. C’est seulement en intégrant la lutte des classes et l’anti-impérialisme dans les luttes écologistes que nous pourrons trouver un équilibre rationnel entre l’humain et les ressources naturelles.

« L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage. » Chico Mendes

Féminisme et lutte LGBTQ+

L’importance du féminisme dans la lutte révolutionnaire n’est plus à prouver, car comme le disait Karl Marx : « Dans la famille, l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du
prolétariat ». Les schémas de domination sexiste sont ancrés profondément dans notre
société et visent à maintenir la domination de l’homme sur la femme, qu’elle soit symbolique, sexuelle, sociale ou économique.

Au-delà de permettre aux hommes de s’arroger les pleins pouvoirs dans toutes les sphères de la société, le sexisme est un schéma de domination nécessaire au fonctionnement du
capitalisme. En attribuant aux femmes un rôle domestique, de soin émotionnel et
d’organisation invisible du foyer, le patriarcat s’assure qu’elles fournissent un travail non-payé, sans lequel le reste de la société ne pourrait pas fonctionner. Malgré les évolutions récentes, comme le droit de vote cédé aux femmes ou le droit à exercer un travail, ces dernières sont toujours responsables des tâches domestiques et exposées à de profondes inégalités salariales. Elles sont donc exploitées sur leur lieu de travail comme à la maison. De plus, pour assurer leur domination, les hommes recourent régulièrement à la violence domestique, sexuelle, légale ou encore économique envers les femmes. On peut en outre considérer que l’oppression patriarcale que subissent les travailleuses constitue un barrage supplémentaire à leur émancipation. En effet, le sexisme a toujours été utilisé par la classe dominante comme outil nécessaire au maintien de son autorité. Aujourd’hui, cette discrimination envers les femmes est défendue par la bourgeoisie, car le capitalisme ne peut pas survivre sans le patriarcat, quoique le libéralisme prétende à une émancipation, toute conditionnelle, de la femme.

Notre féminisme est donc matérialiste, marxiste et révolutionnaire. Nous rejetons toute vision libérale ou édulcorée de la lutte pour la libération des femmes. Le capitalisme est incompatible avec un féminisme révolutionnaire. Nous affirmons donc que ce combat ne peut se mener qu’en reconnaissant le rôle central de la classe sociale, sans quoi il n’atteindra jamais son but. L’empouvoirement féminin à travers la réussite entrepreneuriale ou individuelle ne profitera qu’à quelques bourgeoises fortunées, au détriment de toutes les autres femmes. En effet, l’opposition de classe économique prévaut sur l’appartenance commune à la classe sociale des femmes. Le renversement de la bourgeoisie ne se fera pas sans la libération des femmes, et la libération des femmes ne se fera pas sans le renversement de la bourgeoisie.

En outre, le patriarcat, en tant que système dont s’arme le capitalisme, permet aux bourgeois d’exploiter davantage les femmes et personnes LGBTQ+. Elles prodiguent ainsi du travail non- rémunéré ou sous-rémunéré, étant considérées comme une main d’oeuvre bon marché – le prolétariat du prolétariat. De plus, le marché du travail leur est rendu inaccessible, eut égard de la rémunération (qu’elle soit inexistante ou insuffisante), mais encore en regard des chances tenues à l’embauche. Ainsi, les femmes et personnes LGBTQ+ prolétaires sont davantage exposées à la précarité. Enfin, la lutte contre le patriarcat et les oppressions qu’il exerce se poursuit dans le combat contre les normes qui sont par essence conservatrices et réactionnaires. Elles assignent par inertie, par la force ou encore par la violence des rôles sociaux. Ainsi, la bourgeoisie conservatrice étend son joug au-delà de la sphère économique, et jusque dans celle des relations intimes et sexuelles. Le modèle de la famille nucléaire et hétérosexuelle traite toute velléité de s’en distinguer ou de s’en extraire comme une menace à l’ordre bourgeois.

Les femmes et personnes LGBTQ+ prolétaires sont donc en proie au patriarcat instrumentalisé par le capitalisme. En effet, en dépit de sa tendance à afficher une ouverture à l’égard des femmes et des personnes LGBTQ+ en arborant un féminisme libéral, le capitalisme demeure un système économiquement et socialement mortifère pour ces personnes. Par exemple, le pinkwashing de l’état terroriste israélien nous révèle encore l’insurmontable paradoxe d’une inclusivité capitaliste : le drapeau arc-en-ciel agité à la Pride de Tel-Aviv chaque année ne masque pas le sang des palestinien.ne.s tué.e.s indépendamment du fait qu’il s’agisse de femmes ou de personnes LGBTQ+. En ne défendant que les personnes LGBTQ+ israéliennes, l’état terroriste ne fait preuve que de nationalisme et non de solidarité avec les personnes LGBTQ+. Par ailleurs, en juillet 2022, la Finlande et la Suède parviennent à négocier leur entrée dans l’OTAN avec la Turquie qui avait jusqu’alors imposé son véto. Les deux pays européens se targuent de leur progressisme, notamment regardant les droits des personnes LGBTQ+. Leur hypocrisie ne laisse cependant aucun doute dès lors qu’ils serrent la main à Erdogan, sous le régime fasciste duquel les Prides sont interdites, en 2022 encore. Rappelons également qu’Erdogan annonce en 2021 le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, convention du Conseil d’Europe pour la prévention et la lutte contre les violences conjugales et faites aux femmes. Ainsi les capitalistes privilégieront toujours leurs intérêts économiques et stratégiques aux dépends des causes qu’ils ne défendent qu’en apparence.

Enfin, la considération de surface pour les femmes et personnes LGBTQ+ que s’arroge le
capitalisme ne s’étend guère aux prolétaires et ne leur est cédé qu’en échange d’une
instrumentalisation de ces luttes. C’est pourquoi nous rejetons fermement toute vision
libérale de la lutte contre le patriarcat, pour la libération des femmes et personnes LGBTQ+. Nous réaffirmons ici que ce combat ne peut, ni ne doit, être mené sans reconnaître la centralité de la lutte des classes.

Conscient.e.s du caractère systémique de l’idéologie patriarcale, nous souhaitons reconnaitre les biais sexistes internalisés par nos membres et travailler à nous en émanciper. Pour ce faire, nous recourrons à la critique et à l’auto-critique. En cas de problèmes internes, touchant à des dynamiques d’oppressions patriarcales, l’organisation créera des organes politiques, techniques, disciplinaires mixtes ou non-mixtes, adaptés aux besoins des membres.

« L’émancipation des femmes comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s’émancipera du capital. » Clara Zetkin

Antifascisme

L’antifascisme fait partie de l’histoire du mouvement communiste. Les partisans communistes ont mené la résistance contre le fascisme en Allemagne et partout en Europe lorsque les fascistes sont parvenus au pouvoir. En tant qu’organisation communiste, nous nous inscrivons dans cet héritage. De plus, nous considérons que le combat contre le fascisme s’inscrit dans la lutte des classes. En effet, le fascisme est le bras armé de la bourgeoisie. Georgi Dimitrov disait ainsi :

Quel que soit le masque que le fascisme choisit quelle que soit la voie qu’il emprunte pour arriver au pouvoir : Le fascisme est l’offensive la plus féroce du Capital contre les masses travailleuses. […] Le fascisme, c’est le pire ennemi de la classe ouvrière et de tous les travailleur[euse]s !

Si les fascistes s’affublent aujourd’hui du masque du populisme, l’histoire nous rappelle qu’ils ont de tout temps brisé des grèves, rompu des occupations étudiantes, attaqué des syndicats, des travailleuses et des travailleurs lors de manifestations. Dès lors, nous combattons le fascisme parce que nous combattons la bourgeoisie. Nier la centralité de la lutte des classes dans l’antifascisme revient à se borner à une posture défensive et réactive à l’actualité et aux actions des groupuscules d’extrême droite. Au contraire un antifascisme révolutionnaire doit porter le combat sur le terrain de la bourgeoisie, combattre ses idées, proposer des perspectives et organiser les militant.e.s afin de créer un rapport de force.

De la même manière que nous reconnaissons la violence comme un outil politique, nous nous opposons à l’idée d’un antifascisme moral et humaniste. Notre antifascisme est
révolutionnaire et revendique aussi l’affrontement physique avec l’extrême droite.
Néanmoins, combattre uniquement l’extrême droite et le fascisme reviendrait à ne traiter que les symptômes du cancer capitaliste. En tant que révolutionnaires nous souhaitons combattre la maladie qui provoque ces symptômes. Le fascisme n’est que la dernière ligne de défense de la bourgeoisie, mobilisée par cette dernière lorsqu’elle se sent menacée. Afin de lutter efficacement contre le fascisme, il convient donc d’attaquer la bourgeoisie et de la déposséder de son pouvoir.

Internationalisme et impérialisme

L’internationalisme et la lutte contre l’impérialisme sont deux composantes inhérentes à la
défense d’une ligne communiste. Notre organisation se positionne donc aux côtés de toutes les forces progressistes et révolutionnaires dans le monde. Nous reconnaissons ainsi la nécessité de développer des forces révolutionnaires localement, mais aussi à l’international. Les forces de la bourgeoisie ne sont plus concentrées uniquement sur le territoire des États-nations, mais les dépassent désormais largement. Bien qu’il faille s’attaquer à notre bourgeoisie locale, nous ne pouvons ignorer que c’est sa dimension internationale qui caractérise le capitalisme dans sa forme actuelle. De grands conglomérats d’entreprises se partagent les ressources naturelles tout autour de la planète et exploitent les travailleuses et les travailleurs. Ce ne sont plus des entreprises ayant un ancrage local et délimité, leurs intérêts s’étendent à présent partout autour du globe en un réseau complexe d’entraide et de conflits. Parce que l’expansion de leurs intérêts est internationale, notre solidarité doit elle aussi l’être. C’est uniquement en étendant notre réseau de lutte et de solidarité que nous pourrons déstabiliser la bourgeoisie. Lorsque les intérêts des États s’affrontent, nous devons toujours garder a l’esprit que le prolétariat n’a rien à gagner en se battant au nom de la classe dirigeante.

Notre organisation a pour but de s’implanter localement et elle devra donc s’adapter à aux
spécificités de notre contexte. Ce n’est cependant qu’en nous inspirant des accomplissements des autres organisations révolutionnaires que nous parviendrons à construire une structure capable de mener à bien la lutte révolutionnaire. L’internationalisme a ainsi pour but de collaborer le plus possible avec ces organisations, tout en nous renforçant nous-mêmes.

En outre, notre position géographique, au cœur de l’Europe, est un élément central de notre analyse politique. Ce sont nos bourgeoisies capitalistes qui alimentent les guerres dans le monde entier pour leurs intérêts. Nous devons donc lutter contre les différentes formes que prennent les structures mortifères du capitalisme et de l’impérialisme, qu’il s’agisse de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC/WTO), le Forum Économique Mondial, le Fond Monétaire International, ou encore l’OTAN. Plus particulièrement, la Suisse joue souvent le rôle de terre d’accueil pour les négociations, sommets et sièges de certaines de ces organisations. Elle sert donc de base arrière pour nombre d’entreprises qui investissent dans des guerres impérialistes et en bénéficient. Lutter contre ces profiteurs et briser la tranquillité dont ils bénéficient en Suisse est donc notre responsabilité.

Notre internationalisme ne doit pas se limiter à des déclarations pleines de bonnes intentions ni à un humanisme déculpabilisant. Il doit se réaliser dans des actions de solidarité concrètes. C’est seulement par ces actions que nous pourrons construire une solidarité révolutionnaire, et donc internationale, sincère avec nos camarades luttant au Kurdistan, en Turquie, en Palestine, aux Philippines, en Amérique du Sud et ailleurs dans le monde. C’est en luttant ici que nous contribuons à la révolution là-bas, et c’est en luttant là-bas que nos camarades contribuent à la révolution ici.

« L’impérialisme mondial a ses intérêts et se bat férocement pour les défendre et les conserver. Ces intérêts consistent à dépouiller les pays sous-développés de leurs richesses en les achetant aux prix les plus bas, puis en transformer les richesses avant de les revendre au prix fort sur les marchés de ces mêmes pays. Par cette opération, ils accumulent d’immenses profits, ce qui leur permet d’augmenter leur capital au détriment de la pauvreté, des privations, du dénuement et de la misère du peuple. » FPLP, Stratégie pour la libération de la Palestine.

Conclusion

Notre manifeste n’est ni une note d’intention, ni une vaine pétition. Il est une déclaration de guerre contre la bourgeoisie et son monde. Par la construction d’un mouvement structuré, solide et sûr de son identité politique, nous entendons nous démarquer de la manière de mener les luttes politiques à Genève, et en Romandie.

Même si nous comptons convaincre un maximum de personnes de rejoindre nos rangs, nous sommes conscient.e.s qu’il s’agit d’un travail de longue haleine, qui devra se construire petit à petit. En nous inspirant des expériences révolutionnaires passées et présentes, nous entendons ramener à la lutte les thèmes abandonnés par la gauche radicale. Il s’agit ici de faire preuve de patience, mais aussi d’audace et de volonté.

En Suisse comme à travers le monde, nous subissons de plein fouet l’exploitation bourgeoise. En tant que révolutionnaires, nous avons un devoir d’agir. Ensemble, nous planterons les graines des luttes de demain et nous ferons fleurir des perspectives révolutionnaires partout où les contradictions existent, afin de réaliser le communisme.

Ligne Rouge

Octobre 2022, Genève